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L'éphémère-Ride Page littéraire
26 août 2008

Des valeurs et des régionalismes/nationalismes...

Bonsoir!

Je regarde assidument et avec plaisir l'émission Koh-Lanta, le vendredi soir, sur la première chaîne.


indexIl s'agit d'un "jeu" d'aventure au cours duquel s'affrontent deux équipes - d'une part les rouges, les Tayaks, d'autre part les jaunes, les Mingao - dans des épreuves plutôt spectaculaires d'autant plus que les candidats vivent dans des conditions extrêmes. Seuls sur leur (coin d') île à l'autre bout de la terre, aux Philippines, ils doivent se bâtir une cabane, cueillir leur nourriture (noix de coco, kamotés...), pêcher, faire du feu, le nourrir, se protéger du froid nocturne, de la tempête et surtout "survivre aux autres", comme le dit si bien le présentateur Denis Brogniart...

On découvre dans cette émission de beaux paysages car le cadre, dépaysant, est magnifique.
On découvre également des épreuves sportives originales et d'autres "mythiques" (l'épreuve des vers au cours de laquelle les candidats doivent avaler ces petites bestioles grouillantes, l'épreuve du paresseux, communément appelée "cochon pendu"...) car reconduites d'années en années  au cours desquelles les aventuriers puisent au fond de leurs réserves et font de gros efforts qui leur permettent de gagner une récompense dite de "confort" (par exemple une bonne douche et un massage, un plat de viande, des repas avec les "locaux") ou une immunité que leur assure le "Totem". Cet emblème du jeu permet à l'équipe ou à l'aventurier qui l'a obtenu d'être intouchable lors du Conseil, c'est-à-dire que le candidat ne sera pas éliminé, l'équipe ne perdra aucun membre.
On s'émerveille, on s'enthousiasme, on soutient, on commente les faits et gestes de tout ce petit monde...

Et puis on peut également prendre un peu de recul, celui de la distance critique, celui de l'analyse sociologique et psychologique. Car, mine de rien, cette expérience - et j'opte sciemment pour ce mot - est riche d'enseignements sur le comportement humain. Le comportement des aventuriers, le comportement des producteurs et diffuseurs de l'émission, le comportement des téléspectateurs.

Une question en particulier constitue la pierre d'angle de l'édifice : Comment les candidats vont-ils faire pour tous se supporter pendant près de 40 jours (pour les "meilleurs") malgré leurs différences d'âge, de conditions sociales, de caractères, de valeurs etc... ?

Au cours du dernier épisode (épisode 8), un des candidats, Christophe, ancien boxeur professionnel aujourd'hui patron de pizzerias, a tenté un "coup de poker". Il a cherché à s'allier avec plusieurs autres aventuriers pour "renverser" le chef, Bertrand, militaire et pilote d'hélicoptère. Ses camarades ont considéré son geste comme un acte de trahison et l'ont exclu symboliquement du groupe, sur l'île, puis  véritablement en votant contre lui lors du Conseil.*

MA14Je ne commenterai pas ici l'acte de Christophe. Nous n'en connaissons pas tous les tenants ni tous les aboutissants (oui, rappelons-nous que nous ne voyons qu'un montage, qu'une suite d'images superposées et scénarisées pour tenir le spectateur en haleine). Néanmoins, je souhaite en parler car Christophe est un Ch'ti, un "gars du Nord", un homme qui revendique cette appartenance au nom de certaines "valeurs" et une partie de la polémique engendrée par cet épisode est liée à cela : Christophe est selon Bertrand un traitre, un malhonnête, deux attributs qui sont toujours d'après lui, incompatibles avec les valeurs du Nord...

Deux images qui se sont suivies à l'écran et qui interrogent... Non pas parce qu'on se demande s'il s'agit véritablement d'un acte de trahison (quoique :P) mais parce que l'on aimerait savoir ce qu'entendent ces aventuriers - et plus largement les Nordistes - lorsqu'ils parlent des "valeurs" du Nord.
Quelles sont-elles ? En quoi sont-elles spécifiquement "du Nord" ?
Ce sont de vraies questions que je pose.

Parce que le mot "valeurs" me pose problème.
La question est sensiblement identique à échelle nationale : Quelles sont les "valeurs" françaises que notre pays (à travers ses dirigeants) se dit prêt à défendre ? En quoi sont-elles typiquement françaises ?


¤ Demandons-nous peut-être d'abord ce que signifie le mot "valeurs".

Le Trésor de la Langue Française nous donne cette définition (dans le sens qui nous intéresse ici)** :

IBXSGR00112491A. − Caractère, qualité de ce qui est désiré, estimé parce que donné et jugé comme objectivement désirable ou estimable. Concept, notion de valeur; valeur de la morale, du beau, du bien, du juste; valeur de la science, du progrès scientifique; valeur morale de l'action; valeur de l'individu, de la personne humaine.     Martin, avant de se faire justice d'une quatrième balle [il venait de tuer trois personnes], s'accorda un moment de réflexion et considéra les trois corps affalés, mais malgré ses efforts, il ne put s'intéresser à ce spectacle de mort, ni à la valeur de son acte (Aymé, Derr. chez Martin, 1938, p. 137):

.  Toute valeur, quelle qu'elle soit, est indivisiblement l'objet d'un désir et l'objet d'un jugement; le désir est le moteur, mais le jugement en est l'arbitre. Et les théories de la valeur s'opposent entre elles par la prééminence qu'elles accordent soit au désir, soit au jugement dans la constitution de la valeur. Mais la valeur réside dans leur union et, si l'un ou l'autre de ces facteurs manquent la valeur s'écroule.
L. Lavelle, Tr. des val., I, 196 ds Foulq.-St-Jean 1969.

 

B. − P. méton.     Chose ayant ce caractère; ce qui est beau, bien, vrai, juste. Valeurs esthétiques, morales, sociales; valeurs absolues, relatives; valeurs communes, humaines, individuelles, universelles; valeurs d'un milieu, d'une société, d'une époque; valeurs de (la) gauche; hiérarchie, changement, crise, effondrement, transmutation des valeurs; système de valeurs; avoir des valeurs; avoir les mêmes valeurs.     Devant le charnier des valeurs mortes, nous découvrons que les valeurs vivent et meurent en liaison avec le destin. Comme les types humains qui expriment les plus hautes d'entre elles, les valeurs suprêmes sont des défenses de l'homme (Malraux, Voix sil., 1951, p. 631).

La définition du Larousse est la suivante :

Ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d'un point de vue personnel ou selon les critères d'une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre : Nous avions des systèmes de valeurs différents.


=> Cette définition est plus nuancée que celle que propose le TLF. Elle semble suggérer une certaine subjectivité et relativité ("est posé comme", "est donné comme" vs "est") dont il n'est pas fait mention dans le TLF. Le Larousse estime aussi que les valeurs sont données comme "quelque chose à défendre" donc qu'elles s'opposeraient à d'autres "choses" que l'on rejette. Ainsi l'ensemble des individus qui accepteraient d'avoir certaines "valeurs" s'opposerait à une communauté, une "société" qui en auraient d'autres.
Commence à poindre la question de l'appartenance : avoir des "valeurs" communes avec d'autres permet d'affirmer son appartenance à un groupe.


On touche ainsi de près à la question des régionalismes et des nationalismes.
Etre un Ch'ti, c'est avoir des valeurs du Nord ; être Français, c'est avoir des valeurs françaises (affirmation qui avait servi de conclusion lors d'une émission sur F3 à l'occasion des émeutes de banlieue de Novembre 2005 sans que quiconque ait demandé "quelles sont-elles, ces "valeurs" françaises ?).
rose
Posons-nous la question...


¤ "valeurs" du Nord ? "valeurs" françaises ?

Pour cerner les valeurs françaises, certains ont fait le choix de recourir aux sondages.
Voici les résultats de l'un d'eux et les "valeurs des français" plus que les "valeurs françaises" : ici.
On y trouve des "principes" vagues, larges,... Peut-on réellement affirmer que les "loisirs" ou le "travail" sont des valeurs ? Si oui, sont-ce des "valeurs" typiquement françaises ? Un Allemand, un Belge, un Italien, un Anglais ne peuvent-ils pas les partager ?
Mêmes questions par rapport aux valeurs du Nord. Sociabilité, chaleur humaine, fierté etc... sont traditionnellement les mots que l'on entend lorsqu'on évoque le sujet. Les Bretons, les Savoyards, les Corses ne le seraient-ils pas ? Tous les Nordistes sont-ils sociables ? En quoi s'agit-il de valeurs spécifiquement du Nord ?


La question est donc toujours ouverte...



Très peu d'ouvrages évoquent la question...
Vous pouvez consulter ce lien néanmoins avec profit (cours de philosophie).
Si le sujet vous intéresse, n'hésitez pas à me faire part de vos réflexions.

 

* Plus de détails sur ce forum : http://koh-lanta.gooforum.com/index.htm
** C'est moi qui souligne mais le dictionnaire qui graisse.

 

Les illustrations sont de Mucha.

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Commentaires
S
ton point de vue est intéressant est comme toi, je trouve la définition du Larousse la plus complète. Toutefois par "comme quelque chose à défendre" j'entends plutôt qu'une société s'occupe de la faire respecter parmi ses citoyens mais pas de l'imposer aux autres sociétés (sauf pour ces valeurs fondamentales qui sont représentées par les droits de l'homme)
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